** Prochaine Exposition au restaurant "Drôle d'Endroit" à Aix-en-Provence du 30 mars au 31 mai 2024

 

« Les regards totémiques de Véronique Gérard »
par Anne Malherbe,
Historienne de l’Art, Critique d’Art, Commissaire d’expositions.
 

« Les œuvres de Véronique Gérard, de la série « Regards d’émoi », sont entourées de l’aura des totems. Énigmatiques, les yeux qui s’y ouvrent — seuls ou inclus dans une partie du visage — n’appartiennent pas tout à fait à notre monde. Ils portent en eux des profondeurs difficilement pénétrables, eaux profondes, scintillements de pierres précieuses, flamboiements, mirages. S’y condensent à la fois les reflets de la vie et leurs échos en des zones plus lointaines. Ils sont l’intermédiaire entre le monde des apparences et celui de l’invisible.

Il s’agit de photographies où se superposent à chaque fois un visage (réel) et une texture qui est en fait empruntée à une peinture déjà existante. Cette trame abstraite, facettée, pailletée, miroitante, évoque tantôt le tissage d’une étoffe, tantôt une composition de mosaïques, tantôt une partition en un langage musical mystérieux ; elle nous invite vers des contrées exotiques, un ciel constellé ou nous entraîne dans les fonds iconiques des peintures de Klimt. Une telle hybridation engendre l’effacement partiel des traits du visage. La particularité de chacune de ces figures importe moins en effet que ce qui les traverse : frémissements cosmiques, poussées telluriques, émotions qui prennent leurs sources au-delà des limites humaines.

L’œuvre cherche à capter notre attention et à ne plus nous la faire lâcher. Car ces yeux que nous regardons, eux aussi nous fixent. Ils nous aspirent comme notre reflet dans un cours d’eau. Ils sont notre miroir. À qui appartiennent ces regards ? À quelle divinité ? En réalité, ce pourrait être aussi bien le vôtre, le mien, celui d’un être cher ou d’un inconnu. Et, ce que nous y apercevons, c’est ce que nous ignorons de nous-mêmes, cette zone qui nous est à jamais aveugle et qui pourtant nous appartient en propre, cette lumière qui nous raccroche à l’infini. »